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Gestalt : la théorie de la forme

La théorie de la Gestalt (de l’allemand « gestalten » mettre en forme, donner une structure signifiante) fût inventée au début du XXe siècle par plusieurs personnes dont Christian von Ehrenfels qui théorisa la forme dans l’article « Über Gestaltqualitäten ». Elle postule que la complexité visuelle de notre environnement oblige le cerveau à l’ordonner et le simplifier afin de lui donner une structure signifiante.

POUR FAIRE COURT

Gestalt est un terme complexe qui n’a pas vraiment d’équivalent dans les autres langues. Le terme est donc utilisé en français, aussi bien pour désigner la théorie de la forme, la gestalt-théorie, qu’une thérapie comportementale humaniste : la gestalt-thérapie. Gestalten signifie mettre en forme, donner une structure signifiante (n’ayant pas d’équivalent en français cela reste une définition approximative). Le résultat, la Gestalt, est une forme prenant sens pour celui qui regarde car structurée, organisée par notre cerveau.

 

PERCEPTION : UNE APPROCHE SYSTÉMIQUE

D’après la théorie de la Gestalt nous percevons primordialement des formes globales et non des détails . Il s’agit pour notre cerveau de faire une synthèse, un assemblage qui rend l’ensemble compréhensible, rapidement. Pour cela plusieurs mécanismes cognitifs complexes traduisent ce qui est perçu, de façon physique, par l’œil. Prenons le cas des étoiles. Lorsque que nous regardons le ciel étoilé notre cerveau organise notre observation de telle manière à perçevoir des groupes, à les structurer, et donc à pouvoir en dégager des formes. L’étoile, stimulus inital, sera associée à d’autres étoiles pour s’organiser en « forme » : la constellation. Cette démarche permet une appréciation rapide par notre cerveau puis aboutit à une identification. Ainsi nous pouvons trouver et reconnaitre la grande ourse en regroupant mentalement les étoiles de la « grande casserole ».

Pour le dire autrement, un ensemble ne peut se réduire à la somme des stimuli perçus. Un visage n’est pas l’addition d’un nez, d’une bouche et de deux yeux tout comme un texte n’est pas la simple addition de mots. Ce n’est pas tant chaque élément qui compte mais leurs relations les uns avec les autres mais également avec le « tout ». Chaque élément tire ses propriétés particulières de sa place et de sa fonction au sein de ce tout. Cette approche, telle que définie par le Gelstat, est systémique. C’est à dire multiple et globale.

La systémie en graphisme comme en musique, c’est l’art de composer un ensemble harmonieux, homogène et signifiant. Elle consiste donc en une approche qui élargit, qui s’intéresse à l’ensemble, qui com-prend du latin cum, « avec », et prehendere, « prendre / saisir ».

 

LA PERCEPTION : TABLEAU BROSSÉ PAR JEAN-PAUL SARTRE

Un exemple du philosophe Jean-Paul Sartre, influencé par la Gestalt theorie, permet de bien comprendre cette systémie :

« J’ai rendez-vous avec Pierre à quatre heures. J’arrive en retard d’un quart d’heure : Pierre est toujours exact ; m’aura-t-il attendu ? Je regarde la salle, les consommateurs, et je dis : Il n’est pas là.(…). J’ai tout de suite vu qu’il n’était pas là… Il est certain que le café, par soi-même, avec ses consommateurs, ses tables, ses banquettes, ses glaces, sa lumière, son atmosphère enfumée, et les bruits de voix, de soucoupes heurtées, de pas qui le remplissent, est un plein d’être. Et toutes les intuitions de détail que je puis avoir sont remplies par ces odeurs, ces sons, ces couleurs…

Mais il faut observer que, dans la perception, il y a toujours constitution d’une forme sur un fond. Aucun objet, aucun groupe d’objets n’est spécialement désigné pour s’organiser en fond ou en forme : tout dépend de la direction de mon attention. Lorsque j’entre dans le café, pour y chercher Pierre, il se fait une organisation synthétique de tous les objets du café en fond sur quoi Pierre est donné comme devant paraître…

Chaque élément de la pièce, personne, table, chaise, tente de s’isoler, de s’enlever sur le fond constitué par la totalité des autres objets et retombe dans l’indifférenciation de ce fond, il se dilue dans ce fond. Car le fond est ce qui n’est vu que par surcroît, ce qui est l’objet d’une attention purement marginale. (…) Je suis témoin de l’évanouissement successif de tous les objets que je regarde, en particulier des visages, qui me retiennent un instant (« Si c’était Pierre ? ») et qui se décomposent aussi précisément parce qu’ils « ne sont pas » le visage de Pierre. Si, toutefois, je découvrais enfin Pierre, mon intuition serait remplie par un élément solide, je serais soudain fasciné par son visage et tout le café s’organiserait autour de lui, en présence discrète.»

 

QUATRE PRINCIPES DE BASE

La gestalt présente quatre principes de base qui régissent notre perception visuelle.

#1 Émergence

L’identification d’un objet se fait par comparaison avec des formes qui nous sont familières. Ainsi, cette tasse de thé devient compréhensible par comparaison avec les formes que nous avons mémorisées et qui nous permettent de l’identifier comme étant une tasse de thé (voyez-vous le biscuit sec posé sur la soucoupe à gauche ?).

#2 Réification

L’esprit comble le vide des éléments manquants pour reconstituer un tout. Ici, le décor a été reconstitué sans le bateau car aucun indice ne figurait sur l’image de gauche. Or, il y a bien un bateau amarré au ponton.

#3 Multistabilité

L’œil identifie un tout ou un autre tout. Jamais les deux à la fois. Ici, vous voyez soit le lapin, soit le canard.

#4 Invariance

Un objet ayant été déformé, mis en perspective, changé d’échelle ou même changé de style sera reconnaissable et identifié comme le même objet. C’est cette invariance qui peut nous tromper et donner lieu à des illusions d’optique bien connues telles que celles ci-dessous.

 

SUR L’INVARIANCE

(Êtes-vous sûr que ces hommes sont de tailles différentes et que les cercles ne sont pas de la même couleur ?)

 

LES LOIS DE GESTALT

Loi de clôture
Les informations de perception sont complétées par notre cerveau afin de former un tout cohérent. Ici, les indices sont suffisants pour comprendre que cette forme partielle est un cercle.

Loi de séparation fond/forme
Nous avons la capacité de séparer les formes sur leur fond. Ici, vous voyez soit deux visages de profil, soit le vase blanc entre ces deux visages.

Loi de proximité
Les éléments qui sont proches sont spontanément associés pour créer un groupe. Les séparations entre les éléments dans une mise en page revêtent, dès lors, une importance capitale.

Loi de similarité
Les formes présentant des similitudes (forme, couleur, orientation, etc.) sont regroupées spontanément entre elles. Les cercles bleus forment un groupe. Les cercles mauves, un autre groupe. Enfin les losanges mauves se démarquent eux aussi.

Loi de continuité
Notre œil suit les lignes que nous percevons. La connaissance de ce phénomène permet dans une composition d’inciter le regard à suivre un cheminant « prédéfini ». 

La loi de destin commun
Deux mêmes formes allant dans une même direction vont être regroupées. Un mouvement équivalent induit une connection entre les formes.

Loi de symétrie
La symétrie nous est familière et les éléments symétriques d’une composition sont associés en un tout cohérent et signifiant.

Prägnanz
Les formes simples et nettes sont plus facilement et rapidement comprises et interprétées que les formes complexes. Dès lors, les formes géométriques ont notre préférence et la simplification des formes entraine une amélioration de la rapidité de compréhension.

 

PARÉIDOLIE

Vous connaissez tous cette situation : lors d’une balade dans la nature, vous croisez un rocher d’une forme particulière. Immédiatement, vous voyez apparaître quelque chose de compréhensible intellectuellement. Une forme émerge, signifiante : un visage, un animal, un objet… Cette volonté du cerveau de trouver une forme intelligible, compréhensible, figurative dans un stimulus visuel informe, se nomme la paréidolie. Lorsque vous cherchez des formes dans les nuages, c’est exactement de cela dont il s’agit. Cela illustre assez justement la vision Gestaltiste de notre perception. Il est assez frappant de constater que nous « recherchons » de façon presque systématiques des formes appartement au monde du vivant (visages, animaux, personnage). Cela pourrait s’expliquer part le fait que nous sommes nourris par nos expériences passées poussant notre esprit à faire figurer ce qui nous est le plus familier.

 

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